NEWS THÉÂTRE

QUINZAINE DU 7 AU 20 MAI 2003

"Opéra d'Casbah" : l'auto-dérision de Fellag

Bernard Faivre d'Arcier : dernier Festival d'Avignon

Les gens "d'en bas" au Théâtre de l'ouest parisien

Les subtilités du théâtre nô à la Fondation Mona Bismarck

Woody Allen fait sa première mise en scène de théâtre

Nord-Ost : après la prise d'otages, l'échec commercial





"Opéra d'Casbah" : l'auto-dérision de Fellag

"Opéra d'Casbah", le spectacle musical écrit et joué par le comédien et humoriste algérien Fellag et mis en scène par Jérême Savary, s'est installé, après sa récente création à Marseille, à Paris Salle Favart pour 56 représentations jusqu'au 29 juin.



Depuis le 24 avril, sans grande campagne médiatique, cette production fait dans la capitale des salles combles où l'on retrouve, côte à côte, plusieurs générations d'Algériens installés en France, d'anciens Français d'Algérie et de Français métropolitains qui suivent depuis quelque temps et apprécient l'auto-dérision de Fellag et aussi son "goût de la réconciliation". Cet artiste kabyle ne déçoit pas par un humour intact, par son maniement subtil de la langue française, et par une grande gentillesse.

Ce qui ne l'empêche pas d'asséner quelques vérités bien senties sur les réalités politiques dans son pays, en France et dans le monde actuellement. Jérôme Savary s'est montré en revanche parfois plus inventif dans ses mises en images et en lumières et dans sa direction d'acteur. Sept musiciens sont disposés derrière un tulle au fond du plateau. Sur ce fond et ce sol sont projetés des agrandissements de cartes postales d'Algérie datant de l'époque coloniale -rues de villes et visages de femmes- et des motifs décocatifs arabes.

Quatre danseuses du ventre viennent parfois ponctuer les deux parties biens distinctes du spectacle : l'une "Ma Casbah", jouée et chantée par la comédienne Biyouna et l'autre assurée par Fellag qui livre à son public la méthode "Comment réussir un bon petit couscous". "Opéra d'Casbah" ne porte pas le label de "l'Année de l'Algérie en France" : son créateur n'y tenait pas. "Fellag est un poète qui choisit l'humour pour s'exprimer", commente Jérôme Savary qui apprécie également son écriture.

"Ce spectacle est une véritable coopération fraternelle entre nous", ajoute-t-il. Fellag est un ancien élève de l'Institut national d'art dramatique d'Alger. Après un début de carrière dans son pays comme comédien, metteur en scène, auteur de spectacles en solo et comme directeur de théâtre à Bougie, il a dû s'exiler en France en 1995. Il est connu du public francophone pour ses "one man show", notamment "Djurdjurassique Bled" et "Un bateau pour l'Australie".


Bernard Faivre d'Arcier : dernier Festival d'Avignon

Bernard Faivre d'Arcier, directeur artistique sortant du Festival d'Avignon dont il assume encore l'édition 2003 (8-28 juillet), a commenté, lundi soir à Paris au cours d'une conférence de presse, son dernier programme, "réunion de personnalités fortes et de nouveaux venus".



Une affiche en fait connue depuis début mars par le site internet de la manifestation (www.festival-avignon.com). Près de deux cents personnes assistaient à cette réunion et ont longuement applaudi M. Faivre d'Arcier qui aura assuré la programmation de seize festivals avec comme directrice administrative Christiane Bourbonnaud.

Les deux directeurs désignés pour 2004 sont Vincent Baudriller pour l'artistique et Hortense Archambault, adjointe pour l'administration. Tous deux occupaient déjà des postes de responsabilité au sein du festival, le premier comme adjoint à la programmation et la deuxième comme administratrice. "Je puis dire maintenant que le Festival est un formidable instrument, rodé, expérimenté dans tous les compartiments de son activité, de la technique à l'accueil des artistes et que sa capacité de production devrait être à l'avenir résolu, car le festival devrait être doté des moyens de ses créations, au moins en ce qui concerne les quatre ou cinq spectacles emblématiques de chaque édition", a commenté Bernard Faivre d'Arcier.

Les Belges, avec les metteurs en scène-chorégraphes Alan Platel et Jan Fabre, investiront cette année en force la cour d'honneur de l'ancien Palais des papes d'Avignon, pour ce 57ème festival. Ariane Mnouchkine et son Théâtre du Soleil , Bartabas et Zingaro, Peter Brook avec Maurice Bénichou dans "La mort de Krishna", représenteront cette année les "figures historiques" de la manifestation. "Wolf", un spectacle de danse-théâtre de Alain Platel, fera l'ouverture dans la cour d'honneur (cinq représentations du 8 au 13), tandis que sous chapiteau à Châteaublanc, Bartabas frappera les trois coups avec "Loungta, les chevaux de vent" (quinze représentations du 8 au 28).

Dans la cour d'honneur, deux autres titres seront proposés : des reprises du "Platonov" de Tchekhov, signé Eric Lacascade avec son Centre dramatique national de Caen (16 au 19), et de "Je suis sang", le "conte de fées médiéval", à la frontière de la danse et du théâtre du Flamand Jan Fabre (24 au 28). Le Théâtre du Soleil qui partagera le chapiteau de Châteaublanc avec Zingaro, jouera du 9 au 27 sa création collective "Le dernier caravansérail".

Avignon 2003 affichera des représentants des générations suivantes de metteurs en scène dramatiques français et étrangers: Didier Bezace, Stanislas Nordey, l'Espagnol d'origine argentine Rodrigo Garcia, un autre Argentin Ricardo Bartis, le Hongrois Krystian Lupa, l'Allemand vivant en France Lukas Hemleb, le Lituanien Osakaras Korsunovas, l'Italien Antonio Latella, le Polonais Krzysztof Warlikowski.

Les auteurs joués vont de Shakespeare à Martin Crimp en passant par Didier-Georges Gabily, Valère Novarina, Pierre Charras, Daniel Danis. La danse sera représentée par les chorégraphes travaillant en France, notamment Jean-Claude Gallotta, Angelin Preljocaj, François Verret et les Belges Anne-Teresa de Keersmaeker et Sidi Larbi Cherkaoui.

Le programme musique contemporaine reste assuré par le Centre Acanthes dont l'édition 2003, du 11 au 25 juillet à la Chartreuse de Villeneuve-les-Avignon, initiera aux compositions du Français Gilbert Amy, du Suisse Klaus Huber et du Japonais Toshio Hosokawa.


Les gens "d'en bas" au Théâtre de l'ouest parisien

Gildas Bourdet qui a pris en main les destinées du Théâtre de l'ouest parisien (TOP), successeur du défunt Théâtre de Boulogne-Billancourt (TBB) dans l'ancienne salle des fêtes de cette ville, y a a adapté et mis en scène la création en France de l'Irlandais Martin MacDonagh, "La reine de beauté de Leenane".


Gildas Bourdet, metteur en scène et directeur
du Théâtre de l'Ouest Parisien

La pièce, créée en 1995, est dans la ligne de Synge, O'Casey et Behan et comme le souligne Gildas Bourdet, fait "surgir et parler en pleine lumière des gens +d'en bas+ pour leur octroyer le statut de héros à part entière, dussent-ils être tragiques". Dans la minable cuisine d'une bicoque perdue dans la verte campagne irlandaise (ambiance reconstituée scrupuleusement par Edouard Laug et Gildas Bourdet), s'affronte, avec des mots terribles, une fille, la quarantaine, célibataire, qui rêve d'autres horizons et sa mère, septuagénaire tyrannique, qui fait tout pour l'empêcher de se marier et va provoquer un acte irrepérable et assasssin.

Autres protagonistes deux frères, deux voisins : l'un, l'aîné, du même âge que la fille, lui a proposé de le suivre aux Etats-unis, l'autre, le plus jeune est celui qui va indirectement empêcher que ces deux destinées s'unissent. Marianne Epin et Isabelle Sadoyan interprètent, sans chercher à apitoyer leur public, la détestation réciproque du couple infernal fille-mère à la langue brutale, presque un "baragouin" dans l'adaptation qu'en a réalisé Gildas Bourdet.

Vincent Winterhalter et Lorant Deutsch jouent les deux frères. Gildas Bourdet a cherché a rendre au mieux l'écriture de Martin MacDonagh, né en 1972 à Londres de parents irlandais et qui a emprunté au parler rural du Connemara, truffé de tournures gaéliques. Ce travail sur la langue du dramaturge anglo-irlandais rejoint les préoccupations qui sont, depuis "Le saperleau", celles de Gildas Bourdet qui pense qu'il faut écrire "davantage avec son oreille qu'avec son stylo pour rendre la langue de la marge, des laissés-pour-compte".

Le TOP a ouvert ses portes fin février avec une reprise d'une production du "Malade imaginaire" de Molière par la compagnie Gildas Bourdet. Après cette pièce irlandaise du 22 avril au 28 mai, sera joué un "classique" du 20ème siècle "Les chaises" de Ionesco, mise en scène de Laurent Pelly du 11 au 28 juin.


Les subtilités du théâtre nô à la Fondation Mona Bismarck

Lourdes soieries façonnées, gazes à décor broché, tissages polychromes ou sobres dégradés: les costumes du théâtre nô présentés jusqu'au 7 juin à Paris à la fondation Mona Bismarck témoignent des subtilités d'un art rigoureusement codifié, qui reste souvent mystérieux pour le spectateur occidental.


Costumes japonais traditionnels
présentés à Paris en 1997

Né au Japon au XIVe siècle sous l'impulsion de deux auteurs-acteurs, Kan'ami et son fils Zeami, le nô, union du théâtre, de la danse, de la musique et du chant, associe la simplicité de quelques éléments fondamentaux, comme le décor ou l'intrigue, à la complexité des techniques de jeu. Historiquement réservé à une élite, l'art du nô a failli disparaître à la fin du XIXe siècle, ne devant son salut qu'à la ténacité de quelques passionnés.

Ouvertes à de nouvelles influences, sa pratique a connu un regain d'intérêt au cours des dernières décennies. Dans cette forme artistique qui prône les vertus libératrices de la beauté, costumes et accessoires, tout particulièrement les masques portés par les acteurs qui incarnent indifféremment les personnages masculins et féminins, jouent un rôle aussi important que le texte déclamé ou chanté. A l'origine, les acteurs du nô portaient des vêtements de samouraïs -leurs protecteurs-, qui leur étaient souvent offerts en guise de remerciement à l'issue des représentations.

La tradition s'est perpétuée avec la création de somptueuses tenues de scènes témoignant d'un savoir faire unique. Toutefois, en raison de leur extrême fragilité, très peu de pièces anciennes ont été conservées. Fasciné par cet art, le Japonais Yamaguchi Akira, né dans une famille de tisserands à Kyoto, s'est attaché à faire revivre la beauté des costumes de l'ère Edo (1603 - 1867), symbole de raffinement et de perfection.

Une passion qui l'a conduit à créer le Kamaguchi Noh Costume Reseach Center, un centre textile qui fabrique des soieries tissées selon un processus conforme à l'esprit et aux techniques anciennes, de l'élevage du ver à soie aux teintures naturelles en passant par le choix des motifs reproduits.

Somptueuses robes d'intérieur aux motifs floraux et couleurs ardentes réservées aux rôles de femmes (Karaori), vestes légères à manches larges dédiées à la danse (chôken), manteau de chasse (Kariginu) figurant la noblesse, les (re)créations de M. Yamaguchi, dont une cinquantaine de pièces sont exposées, sont aujourd'hui régulièrement portées par les plus grands interprètes contemporains de nô.

Quelques masques anciens et contemporains sculptés dans le bois et une série d'estampes prêtées par le musée Guimet complètent cette singulière initiation à l'univers poétique du nô. (Mona Bismark Foundation, 34, avenue de New York, Paris 16e, jusqu'au 7 juin de 10h30 à 18h30, fermé dimanche et lundi - Entrée libre).


Woody Allen fait sa première mise en scène de théâtre

Woody Allen va faire en mai, dans un petit théâtre new-yorkais, ses débuts de metteur en scène de théâtre, avec une pièce en deux actes, "Writer's block" ("La panne de l'écrivain") dont il est également l'auteur.



Si le cinéma l'a rendu célèbre, surtout en Europe, Woody Allen n'a jamais cessé d'écrire des pièces de théâtre, dont la première "Don't drink the water" ("Ne buvez pas l'eau") en 1966. Certaines, comme "Play it again, Sam", ont été ensuite adaptées au grand écran. C'est la première fois qu'il va diriger des acteurs sur des planches. "De temps en temps j'ai une idée qui me paraît plus adaptée à la scène qu'à l'écran", a-t-il confié au New York Times.

"Les deux actes qui constituent +Writer's Block+ sont de celles-là. Je n'ai jamais rien dirigé au théâtre et je ne sais pas du tout si j'ai le talent nécessaire". Le premier acte de "La panne de l'écrivain" s'intitule "Riverside Drive", nom d'un quartier du nord de Manhattan, et se passe à New York. Le deuxième s'appelle "Old Saybrook", nom d'une petite ville résidentielle du Connecticut (nord de New York).

Woody Allen a engagé comme acteurs des valeurs sûres de Broadway comme Bebe Neuwirth (Tony Award pour son rôle dans la comédie musicale "Chicago") et Paul Reiser. Les répétitions ont commencé le 23 avril, la première est prévue le 15 mai.


Nord-Ost : après la prise d'otages, l'échec commercial

Les promoteurs de la comédie musicale russe Nord-Ost, mondialement connue pour avoir été "prise en otage" avec son audience par un commando tchétchène en octobre, ont définitivement tiré le rideau mardi, l'odeur de la peur et de la mort ayant chassé les spectateurs.



Le théâtre de la Doubrovka à Moscou, rapidement remis à neuf, avait rouvert le 8 février dernier pour une nouvelle première présentée comme une victoire symbolique sur le terrorisme. Mais les Moscovites ne sont pas revenus et le spectacle disparaîtra de l'affiche le 10 mai prochain. "Les gens ont peur de venir dans ce théâtre. Beaucoup de ceux qui viennent, sentent une énergie négative", a affirmé devant la presse l'auteur-producteur du spectacle Gueorgui Vassiliev.

"Nous sommes forcés d'arrêter le spectacle", a-t-il ajouté. Au lendemain du drame, lors duquel 41 membres du commando tchétchène avaient pris en otages quelque 800 personnes, dont 129 ont péri, tués par un gaz utilisé par les forces de l'ordre lors de l'assaut, M. Vassiliev avait tout d'abord refusé de reprendre Nord-Ost au même endroit. "Nous ne pouvons jouer dans cette salle. Elle est tachée de sang.

Même si les autorités de Moscou la reconstruisent, cet endroit restera maudit", avait-il déclaré. Deux jeunes acteurs, âgés de 13 et 14 ans, ainsi que huit musiciens, avaient péri. Mais le maire de Moscou, Iouri Loujkov, a insisté pour que le spectacle reprenne au théâtre de la Doubrovka et a assuré le financement des travaux. Les fauteuils couverts de velours rouge tachés de sang ont été retapissés en bleu et la fosse d'orchestre, transformée en latrine pendant la prise d'otages, a été comblée, les musiciens se retrouvant ainsi plus près du public.

Mais les ventes de tickets ont été très décevantes, à peine la moitié de ce qu'elles étaient avant la prise d'otages. Et la mairie était contrainte de subventionner le théâtre en achetant des spectacles entiers offerts au personnel médical et aux sauveteurs ayant aidé les otages. Nord-Ost, première comédie musicale 100% russe, avait jouée à guichets fermés depuis octobre 2001. Mais elle a finalement fait perdre de l'argent aux producteurs. Cependant, M. Vassiliev a déclaré qu'il ne regrettait pas de l'avoir reprise. "Nous sentions dans nos coeurs que nous devions la rejouer", a-t-il dit.

La cour de Moscou rejette l'appel des victimes

Le tribunal municipal de Moscou a rejeté lundi les appels de trois groupes de familles de victimes de l'assaut donné en octobre dernier au théâtre de Moscou pris en otage par des sécessionnistes tchétchènes. Les demandes de dommages et intérêts avaient été rejetées une première fois le 23 janvier. "Nous ne sommes pas surpris", a déclaré Me Igor Trunov, qui représentait une centaine de rescapés et de parents des victimes.

L'avocat, qui s'attend à ce que 21 autres groupes soient pareillement déboutés mardi, compte faire appel auprès du présidium du tribunal municipal de la capitale et demander à la Cour européenne des droits de l'Homme, à Strasbourg, d'examiner les dossiers.

Le 23 octobre 2002, des rebelles tchétchènes armés avaient pris en otages pendant trois jours quelque 800 personnes dans un théâtre de Moscou. Tous les pirates ont été tués, et 129 otages sont morts à la suite de l'assaut donné par les forces spéciales, qui ont utilisé des gaz pour neutraliser les rebelles. Les plaignants reprochent aux autorités de ne pas avoir empêché l'assaut et d'avoir mal organisé l'évacuation des otages malades.


Sélection principalement extraite du service général de l'AFP.
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© 2003 AP / AFP

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